Édité le 18 mai 2022 par Marie-Christine Lafrenière et Maëva Perez.
QUESTIONS-RÉPONSES avec maryane gradito
Ce projet a été réalisé par Maryane Gradito, étudiante au baccalauréat en sciences biologiques au moment du projet entre 2019-2020, sous la supervision du Dr. Simon Joly. Lors de son stage, elle s’est intéressée aux mouvements saisonniers du trille blanc (Trillium grandiflorum), une superbe fleur printanière de sous-bois. Voir son article publié dans Botany ici. |
Qu'est-ce qui a motivé cette étude ?
C’est un projet qui m’a été proposé lors d’un stage de premier cycle, dans le laboratoire de Simon Joly. Je ne connaissais alors rien de la recherche, c’était ma toute première expérience, et j’ai adoré!
Simon avait déjà remarqué auparavant, lors d’une simple balade dans les bois, que la majorité des trilles blancs s’oriente vers le sud (et oui, les biologistes se promènent toujours avec une boussole dans la poche pour ce genre d’éventualité!). Cette faculté de s’orienter par rapport au soleil s’appelle l’héliotropisme et on pense que cette adaptation procure aux plantes un avantage au niveau de la reproduction via plusieurs mécanismes sous-jacents. Deux de ces mécanismes seraient particulièrement pertinents dans le cas du trille blanc. D’une part, la chaleur procurée par l’orientation vers le soleil pourrait permettre une meilleure croissance des graines ou du tube pollinique. D’autre part, avec la chaleur du soleil les fleurs pourraient être plus attirantes pour les pollinisateurs au printemps, puisqu’elles procureraient chaleur et nectar et donc un meilleur succès reproducteur.

Qu’avez-vous fait pour tester l’hypothèse de l’héliotropisme sur le succès reproductif des fleurs?
Nous avons mesuré l’orientation des fleurs de trilles au début du printemps, puis nous les avons identifiées selon celle-ci (sud, nord, est, ouest). Par la suite, nous sommes retournés au moment de récolter les fruits et nous avons compté le nombre d’ovules fécondés et non fécondés (ce qui est facile à voir sous un binoculaire, puisque les ovules fécondés sont très gros par rapport à ceux non fécondés).
L’année d’après, nous avons refait la même expérience, mais nous avons fixé les trilles avec des tiges pour qu’ils restent orientés dans une position particulière pour la saison, pour tester le fitness associé à l’héliotropisme saisonnier. Des données montraient que l’orientation du trille reste plus ou moins constante tout le long de la saison. Il y a plusieurs types d’héliotropisme; certaines espèces s’orientent parallèlement ou perpendiculaire aux rayons du soleil, d’autres suivent le soleil tout au long de la journée ou restent relativement constantes une fois qu’elles ont acquis leur position; et finalement, certaines plantes suivent le soleil horizontalement ou verticalement au cours de la journée.
Dans le cas de notre étude, nous suggérons que les trilles acquièrent une position qui reste constante au cours de la saison, et donc, il s’agirait d’héliotropisme saisonnier qui procure un avantage reproducteur. Dans une prochaine étude, il serait intéressant de regarder plus précisément les mouvements journaliers du trille blanc pour voir s’il fait également de l’héliotropisme journalier.
Quel est le résultat le plus important de cette étude?
Bien que notre étude ne permet pas de déterminer les mécanismes sous-jacent qui expliquent l’avantage de fitness de l’héliotropisme saisonnier chez le trille blanc, il est intéressant de constater l’avantage biologique de s’orienter vers le sud.
L’héliotropisme n’est pas totalement strict chez le trille blanc; la majorité des fleurs s’oriente vers le sud, mais on observait également des trilles orientés vers l’est, l’ouest et le nord. Nous avons ainsi observé une augmentation de 12% d’ovules fécondés chez les trilles orientés vers le sud comparativement au nord.
Dans une prochaine étude, il serait intéressant de faire l’observation des pollinisateurs selon l’orientation du plant, quoique les trilles semblent avoir un bon succès reproducteur avec que quelques visites dans la saison (sur le terrain, on observait parfois seulement un pollinisateur dans la journée). Enfin, nos résultats suggèrent que potentiellement, d’autres plantes printanières des forêts tempérées font de l’héliotropisme, puisqu’il s’agit d’un environnement incertain et plus difficile (par exemple, une fois sur le terrain au début du mois de mai, il neigeait!).
Pourquoi es-tu fière de ce papier?
Je pense que cette réponse revient souvent mais, c’est mon tout premier papier! J’en suis très fière et c’est très motivant pour la suite de ma carrière en recherche.
Est-ce que toi aussi maintenant tu te promènes avec une boussole dans la poche?
Maintenant, je ne me promène plus vraiment dans les bois pour mon terrain, mais plutôt avec une chaloupe sur un lac à la Station de Biologie des Laurentides de l'Université de Montréal (SBL), mais lorsque je croise un trille blanc, je regarde toujours son orientation! 🙂
De la foret aux lacs ? Quels sont tes nouveaux projets?
Je suis présentement à la maîtrise dans le laboratoire de Sandra Binning et co-supervisée par Frédérique Dubois. Ne travaillant plus sur les plantes, je m’intéresse dorénavant au comportement des poissons! C’est très différent des plantes, mais très intéressant aussi!
Merci Maryane! On attend des nouvelles de cette très intéressante et différente maîtrise!