Édité le 2 novembre 2021 par Marie-Christine Lafrenière.
Questions-Réponses avec Audréanne Loiselle
Depuis 2016, Audréanne travaille dans le laboratoire de la Dre Stéphanie Pellerin à l’institut de recherche en biologie végétale et les milieux humides sont au cœur de ces intérêts de recherche. Elle s’intéresse à leur biodiversité, à leur fonctionnement et à leur réponse aux impact anthropiques. Après une maîtrise de 2016 à 2018 sur les impacts de l’urbanisation sur la diversité végétale des milieux humides, elle s’est lancée dans un doctorat sur l’écologie et fonctionnement des milieux humides de bord de lac afin de comprendre comment ces écosystèmes et les services écologiques qu’ils nous rendent vont être affectés par les changements climatiques Cette étude est conduite sous la supervision de Stéphanie Pellerin ainsi qu'avec la collaboration de Raphaël Proulx (UQTR) et Marie Larocque (UQAM) Lien vers l'article ici Lien vers son podcast '' La Symphonie des milieux humides'' pour l'ACFAS ici Institut Kenauk |
Q: Qu'est-ce qui a motivé cette étude ?
R: Mon projet est réalisé en collaboration avec de nombreuses équipes de recherches et de conservation, dont l'acteur central est Kenauk Nature. Kenauk est à la fois une réserve naturelle conservée par Conservation de la Nature Canada (CNC), une pourvoirie et un institut de recherche avec plus d'une quinzaine de projets en cours.
R: Mon projet est réalisé en collaboration avec de nombreuses équipes de recherches et de conservation, dont l'acteur central est Kenauk Nature. Kenauk est à la fois une réserve naturelle conservée par Conservation de la Nature Canada (CNC), une pourvoirie et un institut de recherche avec plus d'une quinzaine de projets en cours.
L'un de ces projet a pour objectif principal d'améliorer notre compréhension de la dynamique hydrologique du bassin versant du Lac Papineau et de ses milieux humides. Puisque le lac Papineau joue un rôle clef sur le territoire de Kenauk, sa santé et sa réponse aux changements climatiques et d'utilisation du territoire est très importante. Cependant, le lac Papineau n'est compris qu'à 66% dans l'aire protégée par CNC. Il est donc difficile de gérer ce qui se passe dans le bassin versant ainsi que les usages qui sont fait du lac et de ses milieux humides. C'est donc dans le but d'améliorer la gestion et la conservation à long terme du lac et de ses milieux humides qu'est né ce grand projet.
Plus spécifiquement, cet article a pour premier objectif d'améliorer notre compréhension des déterminants hydrogéologiques de trois types de milieux humides retrouvés sur les rives du lac Papineau : les tourbières (dominées par les éricacées et les sphaignes), les aulnaies (dominées par l'aulne rugueux) et les frênaies (dominées par le frêne noir). Le seconde objectif était d'évaluer les réponse à différents scénarios de changements de niveau d'eau, afin d'évaluer leur résiliences à différents scénarios de changements climatiques et d'utilisation du territoire. |
Q : Pourquoi cette recherche est-elle importante?
R: Outre ces implications pratiques auprès des acteurs de Kenauk Nature et de CNC, mon projet a aussi des implications théoriques importantes. Tel que mentionné plus haut, je travaille plus précisément sur un type de milieux humides peu étudié : les milieux humides de bord de lac. Plus spécifique encore, je m'intéresse aux différences entre trois types de milieux humides de bord de lac : les tourbières, les aulnaies et les frênaies. Bien qu'étant très nombreux à travers le monde, les milieux humides de bord de lac sont portant très peu représentés dans la littérature. Ces études se concentrent généralement sur d'autres types de milieux humides, ou ignorent carrément les distinction entre les types de milieux humide et amalgament tourbières, marais et marécages en une seule catégorie. Toutefois, les experts s'entendent pour dire que ces distinctions sont importantes. Elles ont notamment été intégrées dans la loi sur la conservation des milieux humides et hydriques en vigueur depuis 2017, qui souligne l'importance des différences entre les types de milieux humides. Cet article est donc important, car il contribue de façon significative à l'amélioration de nos connaissances sur l'écologie des milieux humides de bord de lac et sur les différentes réponses aux changements climatique et d'utilisation du territoire qui peuvent être attendue des différents types de milieux humides
R: Outre ces implications pratiques auprès des acteurs de Kenauk Nature et de CNC, mon projet a aussi des implications théoriques importantes. Tel que mentionné plus haut, je travaille plus précisément sur un type de milieux humides peu étudié : les milieux humides de bord de lac. Plus spécifique encore, je m'intéresse aux différences entre trois types de milieux humides de bord de lac : les tourbières, les aulnaies et les frênaies. Bien qu'étant très nombreux à travers le monde, les milieux humides de bord de lac sont portant très peu représentés dans la littérature. Ces études se concentrent généralement sur d'autres types de milieux humides, ou ignorent carrément les distinction entre les types de milieux humide et amalgament tourbières, marais et marécages en une seule catégorie. Toutefois, les experts s'entendent pour dire que ces distinctions sont importantes. Elles ont notamment été intégrées dans la loi sur la conservation des milieux humides et hydriques en vigueur depuis 2017, qui souligne l'importance des différences entre les types de milieux humides. Cet article est donc important, car il contribue de façon significative à l'amélioration de nos connaissances sur l'écologie des milieux humides de bord de lac et sur les différentes réponses aux changements climatique et d'utilisation du territoire qui peuvent être attendue des différents types de milieux humides
Q: Quelles ont été les difficultés à surmonter pour pouvoir mener cette étude à bien?
R: Dans la rédaction de cet article, j'ai dû surmonter trois grandes difficultés : Les analyses en SIG, la modélisation dans R et la révision infinie. Lorsque j'ai commencé ce projet, je n'avais pas de formation en système d'information géographique (SIG). Toutefois, il est vite devenu clair que les analyses en SIG seraient centrales dans mon doctorat. En réalisant ce projet, j'ai appris beaucoup sur la grande diversité de données en libre accès, sur les possibilités de traitement de données, et sur la bonne gestion de ces données. À l'origine, les statistiques reliées à cet articles s'orientaient davantage vers des analyses multivariées, avec lesquelles je suis familière. L'aspect modélisation est apparu tard dans le processus. J'ai dû lire beaucoup et "taponner" longtemps dans R pour arriver à mes fins, mais encore ici, j'ai appris beaucoup dans ce processus. Enfin, la plus grande difficulté psychologique que j'ai vécu par rapport à cet article est lié au processus de révision. Ayant rédigé mon article au cœur de la pandémie, la combinaison entre l'isolement sociale et l'incroyable casse-tête lié à la gestion des opinions divergentes de trois chercheurs/chercheuses a été lourde à porter. Au final, toutes ces micro-rénovations auront fait de l'article ce qu'il est, et j'en suis fière.
R: Dans la rédaction de cet article, j'ai dû surmonter trois grandes difficultés : Les analyses en SIG, la modélisation dans R et la révision infinie. Lorsque j'ai commencé ce projet, je n'avais pas de formation en système d'information géographique (SIG). Toutefois, il est vite devenu clair que les analyses en SIG seraient centrales dans mon doctorat. En réalisant ce projet, j'ai appris beaucoup sur la grande diversité de données en libre accès, sur les possibilités de traitement de données, et sur la bonne gestion de ces données. À l'origine, les statistiques reliées à cet articles s'orientaient davantage vers des analyses multivariées, avec lesquelles je suis familière. L'aspect modélisation est apparu tard dans le processus. J'ai dû lire beaucoup et "taponner" longtemps dans R pour arriver à mes fins, mais encore ici, j'ai appris beaucoup dans ce processus. Enfin, la plus grande difficulté psychologique que j'ai vécu par rapport à cet article est lié au processus de révision. Ayant rédigé mon article au cœur de la pandémie, la combinaison entre l'isolement sociale et l'incroyable casse-tête lié à la gestion des opinions divergentes de trois chercheurs/chercheuses a été lourde à porter. Au final, toutes ces micro-rénovations auront fait de l'article ce qu'il est, et j'en suis fière.
Q: Peux-tu nous résumer les grandes trouvailles de cette étude?
R : Cet article a permis de mettre en lumière que :
R : Cet article a permis de mettre en lumière que :
- La pente et l'élévation moyenne dans un milieu humide de bord de lac sont les déterminants hydrogéomorphologiques ayant la plus forte influence sur leur typologie.
- Il est tout à fait possible de modéliser la typologie des milieux humides de bord de lac en utilisant uniquement des données cartographiques et aucune donnée de terrain. Notre modèle a réussi à prédire les types de milieux humides avec une précision de 89%.
- Les aulnaies et les frênaies sont plus difficiles à prédire avec ce genre de modèle, puisqu'elles se ressemblent plus. Les aulnaies sont en quelques sorte une étape de transition vers les frênaies, dont l'évolution est beaucoup gérée par les barrages de castors.
- Alors que les tourbières semblent résilientes aux changements de niveau d'eau, les frênaies sont beaucoup plus à risque. La résilience des tourbière pourrait être expliqué par leur morphologie : elles sont souvent situées sur des matelas flottants de végétation et de tourbe, ce qui leur permet de suivre les fluctuation du niveau d'eau. De leur côté, les frênaies sont peu résilientes, car on les trouve à la limite supérieure entre les milieux aquatique et terrestre.
Graphique sur le scénarios de changements de niveau d'eau
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Ce graphique permet de voir l’influence de différents scénarios de changements de niveau d’eau (±0.5m et ±2m) sur la position des sites échantillonnés dans un espace multivarié. Plus les sites sont proches, plus ils sont similaires, et vice-versa. Les points noirs sont les mêmes dans les 4 panneaux : ils représentent le scénario de base, soit aucun changement (0m). Les points gris, eux, représente les prédictions de notre modèle. Le graphique permet donc d’illustrer, en fonction de l’intensité et la direction du changement de niveau d’eau, à quelle point les sites bougent dans l’espace multi-varié : plus ils bougent, plus ils sont influencés par le scénario de changement de niveau d’eau. Les flèches rouges nous montrent les sites qui ont changé de type de milieu humide en réponse à ces variations. |
Q: Quel est le résultat le plus cool/important de cette étude?
R : Je pense que c'est la relation entre l'histoire du lac, les barrages de castor et la similarité entre les aulnaies et les frênaies : pourquoi des sites avec une végétation aussi différente avaient une hydrogéomorphologie aussi similaire? Il nous a fallu creuser pas mal pour connecter tous les points. En 1930, le niveau du lac a été augmenté de 2.4m, ce qui a probablement engendré une succession végétale importante dans les milieux humides de bord de lac. Alors que certaines zones boisées ont du passée du stade marais, à aulnaie, à frênaie, certains sites sont probablement resté "coincés" au stage d'aulnaie, en raison de la présence d'important barrages de castor. Ces barrages ont créé des conditions d'inondation plus abondantes et plus longues, limitant la succession des arbustes vers les arbres. Une histoire difficile à dégager sans le contexte local!
Q: Quel souvenir te restera de ce projet? Quels ont été les moments forts?
R: Bien que beaucoup de travaux de terrain ont été réalisés dans le cadre de mon projet de doctorat, ils sont peu représentés dans cet article. Mais c'est certainement là que j'ai mes meilleurs et mes pires souvenirs! Je garde aussi en mémoire beaucoup de moment clef où j'ai enfin réussi à faire tourner des analyses SIG ou à produire d'importantes figures dans R. Considérant les défis technique que cet article a représenté pour moi, chaque résultats produit était une célébration! On aura rarement vue quelqu'un célébrer autant devant un graphique!
Q: Pourquoi est-tu fière de ce papier?
R: Je suis fière de cet article, car ces résultats ont d'importante implication pour la conservations des milieux humides. Dans cet article, nous avons mis en lumière un histoire intéressante aux implication importantes. Je suis aussi fière du travail derrière ces analyses, qui, comme je l'ai mentionné plus haut, a représenté un gros défi pour moi.
Q: Quel est la prochaine étape pour toi?
R: Je suis en train de rédiger le second article de mon projet de doctorat, qui rassemble beaucoup de données terrain et de données SIG afin cette fois de comprendre l'influence de la typologie des milieux humides sur les fonction et services écologiques des milieux humides de bord de lac. Pour cet article, nous avons développé une méthode statistique complètement nouvelle qui met en lumière des différences aux conséquences importantes pour la gestion du territoire. À suivre!
Q: As-tu une anecdote cocasse à nous raconter sur ton parcours, terrain ou expériences de laboratoire ?
R: Il y en a tellement! Notre épopée dans le brouillard le plus épais que j'ai jamais vue, notre aventure dans un orage électrique ou encore toute les fois où nous avons faillis nous faire avaler par les tourbières ou empaler sur des troncs rongés par les castors!
La plus surprenante est probablement la fois où nous avons brisé une hélice de bateau! Après avoir suivi mon permis de bateau sur internet et n'ayant jamais conduit un bateau de ma vie, je suis partie à Kenauk pour ma première semaine de terrain. Après un bref mais complet tutoriel par Normand, le gardien de la marina, notre équipe composée de trois femmes est partie pour la journée. Normand, inquiet de laisser partir trois demoiselles inexpérimentées, nous a fait promettre de revenir pour 17h. Notre première journée s'est passée sans problème, mais Normand nous a tout de même grondé, car nous somme rentrées passé 17h, lui causant un sang d'encre par le fait même! Le second jour, nous sommes encore parti sous le regard inquiet de Normand. Mais cette fois-ci, tout ne c'est pas aussi bien passé… Navigant à pleine vitesse, nous avons frappé quelque chose, faisant sauter notre moteur en l'air avant un grand bruit! Avant même d'avoir le temps de ralentir, nous frappions un deuxième obstacle, aussi violemment! Après nous être arrêté et avoir vérifié l'état du moteur, qui semblait bon considérant la force de l'impact, nous avons continué notre journée et somme rentré à 17h. À notre retour, nous avons raconté notre mésaventure à Normand, qui est vite devenu blanc et s'est empressé de vérifier l'état de l'hélice du moteur. Vision d'horreur et lamentations! Il nous a alors annoncé qu'elle était brisée : un petit bout de métal manquait à une des palme de l'hélice, ce qui aurait pu être suffisant pour débalancer tout le moteur et le faire exploser. Nous avons donc du payer une nouvelle hélice (100$) et accrocher l'ancienne dans le cimetière à hélice de Normand, près du quai de la marina. L'équipe entièrement masculine de l'UQAM avec laquelle nous collaborions a bien sûr trouvé notre histoire risible... jusqu'à eux-mêmes briser une hélice de la même façon! Ce jour là nous avons donc appris que lorsqu'on n'a pas de sonar, il faut naviguer avec précaution dans un lac qu'on ne connais pas!
Merci pour ta participation Audréanne ! Bonne rédaction !
Envie d'en savoir plus sur les milieux humides ?
Écoutez le podcast qu'Audréanne a enregistré pour l'ACFAS et qui lui a fait remporté le concours ! (lien en introduction)