QUESTIONS-RÉPONSES avec Érik L'Heureux
Édité le 14 mars 2023 par Maëva Perez.

Érik est étudiant au doctorat à l’Université de Montréal sous la supervision du professeur Bernard Angers. Malacologue spécialiste des invasions biologiques, il est passionné par les limaces terrestres exotiques envahissantes pour lesquelles il a développé une expertise poussée. Dans le cadre de son projet de doctorat, il s’intéresse notamment aux diverses stratégies que ces espèces emploient pour faire face à l’hétérogénéité de l’environnement, et à leurs impacts. Pour ce faire, il utilise des disciplines variées : génétique, transcriptomique, morphologie et écologie. Ici, il nous parle de sa dernière étude publié ce mois-ci dans le journal BioInvasions Records.
Voir son article publié dans BioInvasions Records ici.
Page profil d'Érik ici
Entrevue dans le podcast les Lucioles ici

Peux-tu résumer les grandes trouvailles de cette étude?
Il s’agit de la première mention confirmée de la limace terrestre Arion vulgaris au Québec, une espèce exotique d’origine européenne. L’espèce a été découverte dans un parc urbain de la ville Québec. C’est la troisième fois seulement que cette espèce est trouvée en Amérique du Nord et la mention du Québec est la plus nordique sur le continent. Sur le site de Québec, des dizaines de spécimens ont été observés, dont certains en copulation, ce qui suggère que l’espèces est bien établie.
Arion vulgaris est une espèce très envahissante en Europe. Elle a d’ailleurs été placée sur la liste des 100 espèces les plus envahissantes d’Europe. Cette limace a connu une rapide expansion de sa répartition en Europe depuis les dernières décennies et de nombreux impacts ont été rapportés dans les pays européens où elle a été introduite. C’est une espèce à surveiller de près ici!
Il s’agit de la première mention confirmée de la limace terrestre Arion vulgaris au Québec, une espèce exotique d’origine européenne. L’espèce a été découverte dans un parc urbain de la ville Québec. C’est la troisième fois seulement que cette espèce est trouvée en Amérique du Nord et la mention du Québec est la plus nordique sur le continent. Sur le site de Québec, des dizaines de spécimens ont été observés, dont certains en copulation, ce qui suggère que l’espèces est bien établie.
Arion vulgaris est une espèce très envahissante en Europe. Elle a d’ailleurs été placée sur la liste des 100 espèces les plus envahissantes d’Europe. Cette limace a connu une rapide expansion de sa répartition en Europe depuis les dernières décennies et de nombreux impacts ont été rapportés dans les pays européens où elle a été introduite. C’est une espèce à surveiller de près ici!
Comment as-tu trouvé ces limaces?
Ça s’est vraiment fait par hasard. C’est ma collègue Joëlle Lafond, co-autrice sur l’article, qui a trouvé les spécimens. En fait, mes amis et collègues m’envoient souvent des photos de limaces pour le plaisir. C’est ce qui est arrivé. La taille d’Arion vulgaris et des autres espèces proches est quand même impressionnante (7-15 cm en Europe). Ce sont des limaces assez belles je dirais (je suis biaisé évidemment!). Quand j’ai vu les photos sur mes textos, j’ai trouvé que les colorations étaient légèrement atypiques par rapports aux limaces que j’avais déjà vues au Québec et je me suis dit qu’il fallait vraiment vérifier s’il s’agissait d’Arion vulgaris. Joëlle a attrapé quelques spécimens et j’ai pu procéder aux identifications.
Comment as-tu procédé pour t’assurer qu’il s’agissait bien de la bonne espèce?
Arion vulgaris une espèce assez difficile à identifier et elle peut être facilement confondue avec d’autres espèces du même genre avec qui elle peut s’hybrider. Comme pour plusieurs espèces de limaces, il est impossible de faire une identification précise en se basant sur des caractères externes. Nous avons donc identifié les spécimens à partir de séquences génétiques (segment du gène mitochondrial 16S rDNA) et de dissections de l’appareil génital. Nous avons utilisé les deux approches puisque l’ADN mitochondrial n’est transmis que par la mère. Il fallait donc procéder à l’analyse morphologique de l’appareil génital interne pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’un hybride. Dans les deux cas, les résultats allaient dans le même sens : il s’agissait bien d’Arion vulgaris.
Tu as mentionné qu’Arion vulgaris est une espèce très envahissante en Europe. Que connait-on de cette limace?
Au Québec, pour l’instant, on ne connait pas grand-chose. Par contre, c’est une espèce dont l’invasion est bien documentée en Europe. Évidemment, ça ne veut pas dire que dans le contexte nord-américain cette limace aura les mêmes impacts.
En Europe, c’est une espèce très envahissante qui se nourrit d’une grande variété de plantes sauvages et cultivées. En plus de ça, sa préférence pour les habitats perturbés par l’humain, sa grande taille et sa capacité à atteindre de fortes densités en font une espèce particulièrement problématique pour l’agriculture, l’horticulture et les jardins. Elle peut atteindre de telles densités que la qualité de l’ensilage pour les animaux d’élevage peut diminuer lorsqu’une grande quantité de limaces est accidentellement fauchée en même temps que les fourrages. En milieu naturel, son alimentation sélective peut aussi modifier la composition des communautés végétales. Cette limace est aussi l’hôte intermédiaire de nématodes pathogènes des chats, chiens et renards et elle peut également être vectrice de bactéries et de phytopathogènes. Pour avoir plus de détails, vous pouvez consultez mon article et les références qu’il contient d’où je tire les exemples mentionnés ci-haut.
Comment ces limaces sont-elles arrivées là?
Pour le moment, nous ne savons ni depuis quand elles sont là, ni comment elles sont arrivées là. Peut-être que nous trouverons des réponses à ces questions dans le futur, mais pour plusieurs espèces exotiques ces questions restent sans réponses.
Ça s’est vraiment fait par hasard. C’est ma collègue Joëlle Lafond, co-autrice sur l’article, qui a trouvé les spécimens. En fait, mes amis et collègues m’envoient souvent des photos de limaces pour le plaisir. C’est ce qui est arrivé. La taille d’Arion vulgaris et des autres espèces proches est quand même impressionnante (7-15 cm en Europe). Ce sont des limaces assez belles je dirais (je suis biaisé évidemment!). Quand j’ai vu les photos sur mes textos, j’ai trouvé que les colorations étaient légèrement atypiques par rapports aux limaces que j’avais déjà vues au Québec et je me suis dit qu’il fallait vraiment vérifier s’il s’agissait d’Arion vulgaris. Joëlle a attrapé quelques spécimens et j’ai pu procéder aux identifications.
Comment as-tu procédé pour t’assurer qu’il s’agissait bien de la bonne espèce?
Arion vulgaris une espèce assez difficile à identifier et elle peut être facilement confondue avec d’autres espèces du même genre avec qui elle peut s’hybrider. Comme pour plusieurs espèces de limaces, il est impossible de faire une identification précise en se basant sur des caractères externes. Nous avons donc identifié les spécimens à partir de séquences génétiques (segment du gène mitochondrial 16S rDNA) et de dissections de l’appareil génital. Nous avons utilisé les deux approches puisque l’ADN mitochondrial n’est transmis que par la mère. Il fallait donc procéder à l’analyse morphologique de l’appareil génital interne pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’un hybride. Dans les deux cas, les résultats allaient dans le même sens : il s’agissait bien d’Arion vulgaris.
Tu as mentionné qu’Arion vulgaris est une espèce très envahissante en Europe. Que connait-on de cette limace?
Au Québec, pour l’instant, on ne connait pas grand-chose. Par contre, c’est une espèce dont l’invasion est bien documentée en Europe. Évidemment, ça ne veut pas dire que dans le contexte nord-américain cette limace aura les mêmes impacts.
En Europe, c’est une espèce très envahissante qui se nourrit d’une grande variété de plantes sauvages et cultivées. En plus de ça, sa préférence pour les habitats perturbés par l’humain, sa grande taille et sa capacité à atteindre de fortes densités en font une espèce particulièrement problématique pour l’agriculture, l’horticulture et les jardins. Elle peut atteindre de telles densités que la qualité de l’ensilage pour les animaux d’élevage peut diminuer lorsqu’une grande quantité de limaces est accidentellement fauchée en même temps que les fourrages. En milieu naturel, son alimentation sélective peut aussi modifier la composition des communautés végétales. Cette limace est aussi l’hôte intermédiaire de nématodes pathogènes des chats, chiens et renards et elle peut également être vectrice de bactéries et de phytopathogènes. Pour avoir plus de détails, vous pouvez consultez mon article et les références qu’il contient d’où je tire les exemples mentionnés ci-haut.
Comment ces limaces sont-elles arrivées là?
Pour le moment, nous ne savons ni depuis quand elles sont là, ni comment elles sont arrivées là. Peut-être que nous trouverons des réponses à ces questions dans le futur, mais pour plusieurs espèces exotiques ces questions restent sans réponses.

Est-ce qu’Arion vulgaris pourrait étendre sa répartition au Québec?
C’est en effet une possibilité. Les limaces peuvent se disperser de façon active (par elle-même en se déplaçant) ou de façon passive (via le transport d’objets ou de matériaux par exemple par l’humain). Dans le cas de la dispersion active, le site est entouré de ville ce qui peut limiter les déplacements de la limace hors du site. En Europe, Arion vulgaris se disperse souvent en suivant le bord des cours d’eau et le site de Québec est justement bordé de rivières. Ça reste hypothétique, mais en suivant les berges, cette espèce de limaces pourraient éventuellement sortir de la ville et atteindre des forêts ou des terres agricoles. Dans le cas de la dispersion active, comme Arion vulgaris a été trouvé dans un parc urbain, l’achalandage humain en provenance de divers endroits pourrait faciliter le transport accidentel des limaces.
Pourquoi es-tu fier de ce papier?
Savoir que la limace Arion vulgaris est maintenant introduite au Québec est une information importante pour plein de gens. Aussi, je suis fier, car ce n’était pas un article planifié dans le cadre de mon doctorat, mais j’ai saisi l’occasion et pris le temps d’effectuer ce travail parce que je trouvais justement que c’était important de divulguer cette information.
Pouvoir repérer rapidement des espèces potentiellement problématiques comme Arion vulgaris permet, par la suite, de mettre en place des mesures pour limiter leurs impacts et, aussi, d’en étudier l’invasion. Plein d’animaux comme les oiseaux ou les papillons sont souvent identifiables par leur simple observation. L’identification des limaces, au contraire, requière des étapes supplémentaires.
Quel est la prochaine étape pour toi?
Par rapport à Arion vulgaris, je pense que la prochaine étape sera de collaborer avec les autorités pour développer un plan d’intervention. Plusieurs questions sur Arion vulgaris me viennent en tête aussi pour de futurs projets. Sinon, de façon plus générale, je vais continuer mon doctorat qui porte principalement sur les déterminants du succès d’invasion d’Arion fuscus, une autre espèce envahissante, qui elle, a connu une impressionnante expansion de sa répartition depuis le dernier demi-siècle au Québec, mais ça c’est une autre histoire…
Merci Érik et bon succès pour le reste de ton doctorat. Nous avons hâte de découvrir cette autre histoire.
Savoir que la limace Arion vulgaris est maintenant introduite au Québec est une information importante pour plein de gens. Aussi, je suis fier, car ce n’était pas un article planifié dans le cadre de mon doctorat, mais j’ai saisi l’occasion et pris le temps d’effectuer ce travail parce que je trouvais justement que c’était important de divulguer cette information.
Pouvoir repérer rapidement des espèces potentiellement problématiques comme Arion vulgaris permet, par la suite, de mettre en place des mesures pour limiter leurs impacts et, aussi, d’en étudier l’invasion. Plein d’animaux comme les oiseaux ou les papillons sont souvent identifiables par leur simple observation. L’identification des limaces, au contraire, requière des étapes supplémentaires.
Quel est la prochaine étape pour toi?
Par rapport à Arion vulgaris, je pense que la prochaine étape sera de collaborer avec les autorités pour développer un plan d’intervention. Plusieurs questions sur Arion vulgaris me viennent en tête aussi pour de futurs projets. Sinon, de façon plus générale, je vais continuer mon doctorat qui porte principalement sur les déterminants du succès d’invasion d’Arion fuscus, une autre espèce envahissante, qui elle, a connu une impressionnante expansion de sa répartition depuis le dernier demi-siècle au Québec, mais ça c’est une autre histoire…
Merci Érik et bon succès pour le reste de ton doctorat. Nous avons hâte de découvrir cette autre histoire.
(1) Spécimen d'Arion vulgaris trouvée à Québec (spécimen préservé dans l'éthanol)
(2) Les trois mentions connues d’Arion vulgaris en Amérique du Nord avec leurs dates de publication (présente mention en rouge)
(2) Les trois mentions connues d’Arion vulgaris en Amérique du Nord avec leurs dates de publication (présente mention en rouge)