QUESTIONS-RÉPONSES avec maRION LEMÉnager
Édité le 12 décembre 2022 par Maëva Perez.
Marion Leménager est candidate au doctorat dans le laboratoire de Simon Joly, au département des Sciences Biologiques et à l'Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal. Elle travaille sur l'écologie, l'évolution et la biogéographie des Gesneriaceae Antillaises. Elle travaille en particulier à mieux comprendre l'évolution des stratégies de pollinisation spécialiste et généraliste au sein de ce groupe de plantes en lien avec leur morphologie florale et leur biogéographie.
Voir son article publié dans New phytologist ici.
Qu’est-ce qui a motivé cette étude?
Près de 91% des plantes à fleurs interagissent avec des pollinisateurs pour assurer leur reproduction dans un environnement en trois dimensions. Pour attirer ces pollinisateurs et assurer une reproduction efficace, des ensembles de traits floraux peuvent être sélectionnés au cours de l’évolution pour des vecteurs de pollinisation particuliers, et ce de façon récurrente pour des espèces qui ne sont pas nécessairement de proches parentes. C’est cette notion qui a fait naître le concept de syndrome de pollinisation.
Parmi ces traits floraux, la morphologie même des fleurs et leurs couleurs sont des traits essentiels. La phénologie des fleurs (quand elles s’ouvrent), le type de récompense qu’elles produisent (généralement du pollen, du nectar ou les deux, mais parfois aussi des résines, de la cire, des arômes ou de l’huile), et leur odeur sont également des traits importants. Par exemple, les fleurs chiroptérophiles (pollinisées par les chauves-souris) sont souvent des fleurs pâles, en cloche, et s’ouvrent en général la nuit, produisent du nectar riche et ont une odeur forte et assez désagréable.
Bien que la forme des fleurs soit primordiale pour assurer la reproduction des Angiospermes (les plantes fleurs), la structure 3D des fleurs est rarement étudiée. Être capable de visualiser et mesurer les fleurs en 3D permet de caractériser leur morphologie en détails, et de s’affranchir des biais de la 2D. Étudier des structures 3D en 2D engendre nécessairement la perte de dimensions critiques de la variation morphologique, ainsi qu’un manque de précision. Des méthodes de quantification et d'analyse de la morphologie 3D existent déjà mais l'obtention de ces modèles 3D de fleurs reste un réel défi. Dans cette étude, nous démontrons que la photogrammétrie est une approche efficace et abordable pour reconstruire la forme 3D de fleurs.
Qu’est-ce que la photogrammétrie?
La photogrammétrie est une technique de reconstruction numérique en 3D à partir de photographies. En pratique, les fleurs sont fixées sur une plaque tournante, et plusieurs séries de photos sont faites à 360° autour de la fleur, à plusieurs hauteurs de caméra. Ça nous permet d’obtenir suffisamment de photos qui se recoupent pour calculer la position des points communs entre ces photos dans un espace en trois dimensions. Les images sont ensuite calibrées pour la couleur, et utilisées dans un logiciel de photogrammétrie pour reconstruire le modèle 3D. L’avantage principal de cette méthode par rapport à d’autres techniques de capture 3D tel que la tomodensitométrie (CTscan) est que la couleur des fleurs est conservée sur la surface des modèles 3D reconstruits.
Quelle est la taille minimale des structures qui peuvent être reconstruites ?
C’est une question qui m’est souvent posée. En fait, c'est surtout une question de qualité et de nombre de photos qui sont disponibles pour ces structures. La photogrammétrie a déjà été utilisée dans le cas de la reconstruction par exemple de paysages, ou d'architectures, mais aussi pour des insectes. Tant que les structures peuvent être distinguables et prises en photos, il est donc possible de les reconstruire en 3D.
Cependant, la méthode que nous présentons n'est pas parfaite, certaines structures restent difficiles à reconstruire, telles que les surfaces très fines, réfléchissante ou translucides. Elle peut toutefois encore évoluer, grâce à de futures collaborations sur le protocole évolutif que nous avons partagé en ligne.
Quel souvenir te restera de ce projet?
La possibilité d'observer ces modèles 3D de fleurs est un sujet qui émerveille beaucoup les personnes lorsque je présente ces travaux. C'est cet émerveillement que j'ai beaucoup aimé voir tout au long de ce projet.
Je suis particulièrement fière de ce papier car la photogrammétrie a le potentiel de stimuler l'étude de la forme et la coloration des fleurs en surmontant le défi associé à la collecte de données sur la morphologie des fleurs en 3D. Elle a même déjà commencé à être adoptée dans d'autres laboratoires! Il est même possible maintenant d'imprimer des modèles 3D détaillés et en couleur, ce qui pourra être utilisé dans des études expérimentales en nature.
La photogrammétrie est une technique de reconstruction numérique en 3D à partir de photographies. En pratique, les fleurs sont fixées sur une plaque tournante, et plusieurs séries de photos sont faites à 360° autour de la fleur, à plusieurs hauteurs de caméra. Ça nous permet d’obtenir suffisamment de photos qui se recoupent pour calculer la position des points communs entre ces photos dans un espace en trois dimensions. Les images sont ensuite calibrées pour la couleur, et utilisées dans un logiciel de photogrammétrie pour reconstruire le modèle 3D. L’avantage principal de cette méthode par rapport à d’autres techniques de capture 3D tel que la tomodensitométrie (CTscan) est que la couleur des fleurs est conservée sur la surface des modèles 3D reconstruits.
Quelle est la taille minimale des structures qui peuvent être reconstruites ?
C’est une question qui m’est souvent posée. En fait, c'est surtout une question de qualité et de nombre de photos qui sont disponibles pour ces structures. La photogrammétrie a déjà été utilisée dans le cas de la reconstruction par exemple de paysages, ou d'architectures, mais aussi pour des insectes. Tant que les structures peuvent être distinguables et prises en photos, il est donc possible de les reconstruire en 3D.
Cependant, la méthode que nous présentons n'est pas parfaite, certaines structures restent difficiles à reconstruire, telles que les surfaces très fines, réfléchissante ou translucides. Elle peut toutefois encore évoluer, grâce à de futures collaborations sur le protocole évolutif que nous avons partagé en ligne.
Quel souvenir te restera de ce projet?
La possibilité d'observer ces modèles 3D de fleurs est un sujet qui émerveille beaucoup les personnes lorsque je présente ces travaux. C'est cet émerveillement que j'ai beaucoup aimé voir tout au long de ce projet.
Je suis particulièrement fière de ce papier car la photogrammétrie a le potentiel de stimuler l'étude de la forme et la coloration des fleurs en surmontant le défi associé à la collecte de données sur la morphologie des fleurs en 3D. Elle a même déjà commencé à être adoptée dans d'autres laboratoires! Il est même possible maintenant d'imprimer des modèles 3D détaillés et en couleur, ce qui pourra être utilisé dans des études expérimentales en nature.
Imprimer des modèles en 3D? C’est trop cool. As-tu déjà essayé?
Oui! Du moins, j’ai imprimé plusieurs fleurs en 3D (avec l’aide de Viraj Alimchandani, du laboratoire d’Anne-Lise Routier, également à l’IRBV) avec une résine souple et translucide. Bien que sans couleurs, ça nous a permis d’obtenir des modèles 3D imprimés très détaillés. Ça m'a notamment servi pour présenter les différents syndromes de pollinisations des Gesneriaceae au public lors d'événements de vulgarisation.
Quelle est la prochaine étape pour toi?
Maintenant que j'ai pu démontrer avec mes co-auteurs l'utilité de la photogrammétrie, j'aimerais beaucoup pouvoir approfondir ce projet à plus large échelle taxonomique et sur le terrain. En particulier, j’aimerais entre autres caractériser la modularité des fleurs de Gesneriaceae, c’est à dire déterminer quels groupes de traits évoluent de concert relativement à d’autres. Ce genre de données permettra de mieux comprendre la dynamique macro-évolutive de la forme des fleurs en lien avec leur stratégies de pollinisation.
Merci Marion! on te souhaite un grand succès pour la suite.
(1) Exemple de modèles 3D de trois fleurs de la famille des Gesneriaceae. Ces exemples montrent la possibilité de reconstruire en 3D des fleurs de formes, complexités, et couleurs variées.
(2) La structure d'un modèle 3D de fleur, ici Rhytidophyllum bicolor, composée de sommets, arêtes, et polygones.
(3) L'étape finale de la reconstruction d'un modèle 3D de fleur et celle du calcul de sa texture, la couleur détaillée du modèle.
(4) Impression du modèle 3D de la fleur de Gesneria cornuta (Gesneriaceae).
(2) La structure d'un modèle 3D de fleur, ici Rhytidophyllum bicolor, composée de sommets, arêtes, et polygones.
(3) L'étape finale de la reconstruction d'un modèle 3D de fleur et celle du calcul de sa texture, la couleur détaillée du modèle.
(4) Impression du modèle 3D de la fleur de Gesneria cornuta (Gesneriaceae).