Édité par Maëva Perez.
Questions-Réponses AVEC VINCENT MÉLançON
Vincent est étudiant au doctorat au département des Sciences Biologiques de l’Université de Montréal depuis Septembre 2022. Il est dirigé par Sophie Breton et Sandra Ann Binning. Il étudie les effets des parasites sur le métabolisme des crapets-soleils. Plus précisément, il cherche à comprendre comment les parasites affectent le fonctionnement des cellules de ces poissons et ultimement leur santé.
Avant de débuter ses études doctorales, Vincent a fait son baccalauréat avec cheminement honor dans le même département. L’article qu’il nous présente est le résultat de son projet de recherche honor; projet qu’il poursuit et développe maintenant au doctorat. Voir son article publié dans Physiological and Biochemical Zoology ici. Retrouvez le sur Twitter @VincentMelancon Page profil de Vincent ici. Profil de Vincent sur Google Scholar ici. |
Pourquoi l’étude du parasitisme est importante?
Il est très important de mieux comprendre comment les parasites affectent leurs hôtes. Certaines populations sont plus fragiles face au parasitisme que d’autres et nous ne savons toujours pas pourquoi. De plus, mieux connaître l’effet du parasitisme nous permettrait d’anticiper les conséquences des changements climatiques sur les populations, et d’identifier les mécanismes qui sont important à surveiller.
Qui sont les parasites des poissons?
Les poissons sont infectés par toutes sortes de parasites qui peuvent infecter presque tous les tissus. Les deux types de parasites principaux sont les cestodes et les trématodes; deux types de vers plats. Les cestodes infectent leurs hôtes au travers de l’alimentation. Ils se retrouvent dans des copépodes qui sont ingérés par les poissons. Ils vont ensuite migrer à partir de l’intestin jusqu’aux organes (rate, foie et gonades) où ils restent actifs en attendant le transfert vers le prochain hôte (souvent d’autres poissons). Les trématodes ont comme premier hôte des escargots aquatiques. Dans les bonnes conditions, ils vont en émerger sous forme de larve et infecter les poissons en pénétrant par la peau. Ils forment des cystes au niveau des nageoires, du corps ou des branchies. L’individu se retrouve donc avec des points noirs donnant le nom à cette infection : la maladie du point noir (black spot disease). Les trématodes sont métaboliquement inactifs dans le cyste jusqu’à l’ingestion par des oiseaux piscivores (e.g. martin pêcheur ou grand héron).
Il est très important de mieux comprendre comment les parasites affectent leurs hôtes. Certaines populations sont plus fragiles face au parasitisme que d’autres et nous ne savons toujours pas pourquoi. De plus, mieux connaître l’effet du parasitisme nous permettrait d’anticiper les conséquences des changements climatiques sur les populations, et d’identifier les mécanismes qui sont important à surveiller.
Qui sont les parasites des poissons?
Les poissons sont infectés par toutes sortes de parasites qui peuvent infecter presque tous les tissus. Les deux types de parasites principaux sont les cestodes et les trématodes; deux types de vers plats. Les cestodes infectent leurs hôtes au travers de l’alimentation. Ils se retrouvent dans des copépodes qui sont ingérés par les poissons. Ils vont ensuite migrer à partir de l’intestin jusqu’aux organes (rate, foie et gonades) où ils restent actifs en attendant le transfert vers le prochain hôte (souvent d’autres poissons). Les trématodes ont comme premier hôte des escargots aquatiques. Dans les bonnes conditions, ils vont en émerger sous forme de larve et infecter les poissons en pénétrant par la peau. Ils forment des cystes au niveau des nageoires, du corps ou des branchies. L’individu se retrouve donc avec des points noirs donnant le nom à cette infection : la maladie du point noir (black spot disease). Les trématodes sont métaboliquement inactifs dans le cyste jusqu’à l’ingestion par des oiseaux piscivores (e.g. martin pêcheur ou grand héron).
Qu’est ce qui a motivé cette étude?
L’étude des mécanismes sous-jacents à une infection parasitaire sont très peu étudiés surtout lorsque nous parlons de parasites extracellulaires. Nous savons toutefois, au travers d’études antérieures, que le métabolisme général des poissons (mesuré via leur capacité à bien respirer; ou plus précisément à consommer de l’oxygène) semble affecté par la présence des parasites. En voulant explorer les mécanismes sous-jacents, nous nous sommes dirigés vers la mitochondrie car c’est l’organite responsable de la production d’énergie. Le bon fonctionnement des mitochondries permet le bon fonctionnement de la respiration mais également d’autres voies métaboliques comme le métabolisme des sucres et des lipides.
Nous voulions donc explorer certaines enzymes mitochondriales en réponse à une infection et pour ça, le crapet-soleil qui est un poisson natif de l’Amérique du Nord et très répandu dans nos lacs, fut un modèle parfait. Dans les différents lacs de la station de biologie des Laurentides, nous pouvons voir plusieurs populations de crapets; certaines infectées par les deux types de parasites, certaines non infectées. Pour les poissons souffrant de la maladie du point noir, les endoparasites sont visibles sans la dissection des individus. Grâce à ça, nous pouvons évaluer l’intensité de l’infection sur le terrain lors de la pêche sans avoir à euthanasier en vain beaucoup d’individus.
L’étude des mécanismes sous-jacents à une infection parasitaire sont très peu étudiés surtout lorsque nous parlons de parasites extracellulaires. Nous savons toutefois, au travers d’études antérieures, que le métabolisme général des poissons (mesuré via leur capacité à bien respirer; ou plus précisément à consommer de l’oxygène) semble affecté par la présence des parasites. En voulant explorer les mécanismes sous-jacents, nous nous sommes dirigés vers la mitochondrie car c’est l’organite responsable de la production d’énergie. Le bon fonctionnement des mitochondries permet le bon fonctionnement de la respiration mais également d’autres voies métaboliques comme le métabolisme des sucres et des lipides.
Nous voulions donc explorer certaines enzymes mitochondriales en réponse à une infection et pour ça, le crapet-soleil qui est un poisson natif de l’Amérique du Nord et très répandu dans nos lacs, fut un modèle parfait. Dans les différents lacs de la station de biologie des Laurentides, nous pouvons voir plusieurs populations de crapets; certaines infectées par les deux types de parasites, certaines non infectées. Pour les poissons souffrant de la maladie du point noir, les endoparasites sont visibles sans la dissection des individus. Grâce à ça, nous pouvons évaluer l’intensité de l’infection sur le terrain lors de la pêche sans avoir à euthanasier en vain beaucoup d’individus.
Comment avez-vous procédé?
Nous avons mesuré l’activité de plusieurs enzymes mitochondriales dans différents tissus (le cœur, la rate, le cerveau et les branchies) de poissons plus ou moins parasités (par des trématodes, cestodes et/ou les deux), et possédant une plus ou moins bonne condition corporelle (mesurée en fonction du ratio taille/poids).
L’activité enzymatique se mesure à l’aide de spectrophotométrie. Concrètement, nous remplissions une microplaque de nos échantillons et faisions réagir ceux-ci avec des réactifs propres à chaque enzyme. Nous pouvons ensuite mesurer la quantité de produits dans nos puits à l’aide d’un lecteur microplaque.
Nous avons mesuré l’activité de plusieurs enzymes mitochondriales dans différents tissus (le cœur, la rate, le cerveau et les branchies) de poissons plus ou moins parasités (par des trématodes, cestodes et/ou les deux), et possédant une plus ou moins bonne condition corporelle (mesurée en fonction du ratio taille/poids).
L’activité enzymatique se mesure à l’aide de spectrophotométrie. Concrètement, nous remplissions une microplaque de nos échantillons et faisions réagir ceux-ci avec des réactifs propres à chaque enzyme. Nous pouvons ensuite mesurer la quantité de produits dans nos puits à l’aide d’un lecteur microplaque.
Quels résultats ressortent de ces analyses?
Nous avons trouvé un lien entre certaines activités enzymatiques et la condition corporelle des poissons. Par exemple, les individus avec une meilleure condition corporelle avaient une activité plus haute au niveau du cœur pour une enzyme de la phosphorylation oxydative; une étape clé du métabolisme de la respiration. Mais surtout, il a été possible de trouver des tendances entre la densité parasitaire et les activités enzymatiques. Plus spécifiquement, les trématodes de notre étude semblent causer une augmentation des activités enzymatiques tandis que les cestodes sont liés à une baisse des activités.
Ces tendances contradictoires sont particulièrement intéressantes car elles attestent de la complexité des situations de co-infections. Nous ne savons pas pourquoi différents parasites induisent des réactions différentes au niveau des cellules hôtes, mais il est possible que leur stade de vie en soit pour quelque chose. Les cestodes sont actifs et infectent les organes directement tandis que les trématodes sont en dormance dans leurs cystes.
Nous avons trouvé un lien entre certaines activités enzymatiques et la condition corporelle des poissons. Par exemple, les individus avec une meilleure condition corporelle avaient une activité plus haute au niveau du cœur pour une enzyme de la phosphorylation oxydative; une étape clé du métabolisme de la respiration. Mais surtout, il a été possible de trouver des tendances entre la densité parasitaire et les activités enzymatiques. Plus spécifiquement, les trématodes de notre étude semblent causer une augmentation des activités enzymatiques tandis que les cestodes sont liés à une baisse des activités.
Ces tendances contradictoires sont particulièrement intéressantes car elles attestent de la complexité des situations de co-infections. Nous ne savons pas pourquoi différents parasites induisent des réactions différentes au niveau des cellules hôtes, mais il est possible que leur stade de vie en soit pour quelque chose. Les cestodes sont actifs et infectent les organes directement tandis que les trématodes sont en dormance dans leurs cystes.
Quelles ont été les difficultés à surmonter pour pouvoir mener cette étude à bien?
Les crapets-soleils ne sont pas de gros poissons possédant de gros organes. Il était difficile d'avoir suffisamment de matériel pour effectuer plusieurs tests sur une grande variété d'enzymes mitochondriales. Également, certains parasites affectent grandement des organes précis, comme le foie par exemple. Les parasites tendent à se loger dans cet organe et y causer beaucoup de dégâts. Il était difficile pour nous de récolter des tissus pas trop endommagés, donc le foie a été retiré de l'expérience malgré qu'il aurait été un organe très intéressant pour l'étude.
Quelle est la suite pour toi?
Je suis en train, pour mon premier chapitre de thèse, d'agrandir l'échantillonnage afin de pouvoir comparer un plus grand nombre d'individus. Je compte comparer des populations provenant de différents lacs et ainsi confirmer ou infirmer les tendances que nous avons obtenu dans cette étude.
Pourquoi es-tu fier de ce papier?
J'en suis fier puisque c’est un des premiers articles sur l’effet du parasitisme sur la physiologie cellulaire des poissons. C’est également mon premier article. Ce projet fut ma porte d'entrée dans le monde de la recherche et m'a permis de découvrir à quoi ressemblait la vie d'un chercheur. Mes premières expériences de terrain, de laboratoire ainsi que de rédaction ont été fait lors de ce projet. J'ai pu découvrir mes directrices et trouver un projet de doctorat qui me passionne. Les moments forts de ce projet ont été à quel point mes collègues m'ont démontré du soutien et de l'aide lors de mon cheminement. Ce projet est rempli de petite collaboration qui m'ont permis d'en apprendre énormément.
Peux-tu nous parler de ton expérience au cheminement honor? Quels conseils aurais-tu pour les étudiants et étudiantes du bac qui pensent à faire ce programme?
Je me suis lancé dans le stage honor sans expérience de recherche. Je n’étais pas certains de mon désir de poursuivre en recherche mais je voulais me plonger à fond dans un projet afin de pouvoir découvrir si j’aimais bien ça ou non. Après avoir vu comment fonctionne la recherche, l’autonomie que ça requiert, les différents aspects de la création, réalisation et finalisation d’un projet, j’ai vu que c’était vraiment captivant comme domaine. Mon projet honor m’a permis de vraiment sauter à pieds joints dans ce milieu tout en étant accompagné.
Ce qui peut être difficile d’un programme aux cycles supérieurs est le fait que nous devenons être notre propre gestionnaire de temps. Les « deadline » sont plus long, moins précis et plus gros. Au bac, les « deadlines » sont rapides, précis et souvent plus petits. Le honor est un espèce d’intermédiaire entre les deux qui permet de ne pas trop être laissé à soit même, tout en étant autonome. Tu es souvent plus encadré et tu peux discuter avec les autres membres du honor ce qui te permet de savoir où tu devrais être rendu. Le honor demande beaucoup de temps et d’organisation. Avoir des cours en même temps peut être difficile par moment, mais ce cheminement m’a tellement apporté de bénéfices que je ne peux que le recommander. Je recommande de parler des projets honor à des superviseur.es potentiels tôt en hiver afin de possiblement pouvoir commencer son stage lors de l’été, avant le début officiel de l’année honor. Ceci permet de donner une petite avance sur ton projet et fait en sorte que tu en as moins à faire durant tes cours. C’est très pertinent comme cheminement, mais c’est sûr que c’est aussi très demandant.
Tu as aussi fait un passage direct au doctorat après ton baccalauréat. As-tu trouvé la transition difficile?
La transition Doc/honor se fait bien jusqu’à maintenant. C’est un gros saut et j’ai quelques étapes/apprentissages de plus à faire par rapport à quelqu’un qui sort d’une maîtrise (15 crédits de cours par exemple). Je ne recommande pas ce saut à une personne indécise. Oui, il permet l’obtention de bourses, mais on ne peut pas s’embarquer dans l’inconnu pendant 5 ans. Si je n’avais pas commencé à travailler sur mon projet de thèse pendant mon honor, je n’aurais pas opté pour ce choix.
Merci beaucoup pour ton témoignage et tes conseils, on te souhaite un grand succès dans ton doctorat!